Pain is Mine

Pain is Mine

Farshid Akhlaghi

Le dispositif de Pain is Mine joue habilement avec l’imagerie du film de fiction traditionnel où on partage toujours le point de vue subjectif de la caméra avec un personnage en position de force. Ce dispositif est même poussé à ses extrêmes limites (morales) avec le film d’horreur où l’on épouse le regard « malade » (mais voyeur) du rôdeur ou du prédateur. Dans Pain is Mine, le film opte pour le point de vue subjectif impossible de la douleur d’une vieille personne rongée par la maladie. Le malaise recherché fonctionne. Cet enjeu polémique est captivant dans son dispositif technique immersif (plan séquence, point de vue subjectif de la caméra). En effet, le spectateur est infirme dans une salle de cinéma (il ne peut se servir de ses jambes, étant assis devant un écran statique) et de grands films jouent intelligemment sur cette donnée-là, alors sournoisement et habilement interactive comme Fenêtre sur cour ou Avatar (identification, puis projection). Ici, le film renvoie dans les cordes tous ces paramètres évasifs ; le spectateur a une visibilité restreinte, réduite au gros plan, et son espace est d’autant plus clos que la douleur vient rétrécir celui-ci selon l’inclinaison de la tête/caméra de la personne en souffrance. Même certains des accessoires quotidiens (devenant des « natures mortes » impuissantes) de la malade, à priori évasifs, ont un pouvoir créatif salvateur bien limité (un fétiche indien pour protéger, un livre pour dessiner…). Seule une cithare pour faire de la musique permet d’avoir un effet diversif à la douleur et obstrue le champ de la caméra, occultant tout ce qui était visible jusque-là (une chambre à coucher), à l’exception de ces vieilles mains grattant harmonieusement les cordes. (Derek Woolfenden)

MERCREDI 10 AVRIL • 19H30
PAIN IS MINE
Farshid Akhlaghi
Australie • 2018 • 13’
Victorian College of the Arts : https://aev.vic.edu.au